Vague image

Extraits du RIABE, règlement concernant l’intervention artistique sur les bâtiments de l’État :
Art. 1— Pour tous les bâtiments édifiés par l’État de Vaud, un montant proportionnel au coût de construction ou de rénovation proprement dit (le pour-cent culturel) doit être réservé pour une intervention artistique sur le bâtiment.
Art. 2— Une intervention artistique consiste dans l’intégration, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’édifice, d’œuvres, de gestes ou de marquages artistiques qui entrent en interaction avec son architecture, sa fonction, ses utilisateurs et le public en général.
Depuis 1979, Vague image, de l’artiste Rudy Decelière, est la 112ème intervention artistique dans un bâtiment de l’État de Vaud.

Vague image
Lorsque les élèves profitent de leur école, cette dernière est pleine d’activité; en son absence, l’école est vide et triste; dans leur réflexion sur cette absence de vie, les architectes se sont approchés de l’artiste Rudy Decelière dont l’œuvre sonore présentée dans le cadre de Bex & Arts 2011 avait marqué leur imaginaire. Rudy Decelière accepta de s’intégrer au processus conceptuel du projet. Il fut informé de l’histoire du site et du comblement de la rivière du Flon lors de l’Exposition Nationale de 1964. Dès lors, l’idée fut de symboliser le cours d’eau devenu invisible ; de lui retrouver une mémoire.
Une installation sonore et visuelle se déploie sur l’ensemble des façades principales du bâtiment et inspire le désir d’habiter l’enveloppe de l’édifice par des éléments aquatiques. L’ensemble des 13 818 haut-parleurs piezo intégrés aux contrecœurs en verre sont organisés, par leurs diamètres, tels les points d’une trame qui reproduirait une gigantesque image de vagues. Ces éléments faits de laiton leur donnent un aspect doré, dont l’ensemble varie sensiblement selon la lumière naturelle et l’inclinaison du soleil. Contrairement à l’idée d’un motif récurrent pour tous les panneaux de verre, ici chaque élément est unique et constitue un ensemble. À proximité, l’image (le mouvement) n’est pas lisible, mais c’est seulement avec un certain recul que l’ensemble commence à révéler sa cohérence et son organisation, tout en restant abstrait à jamais.
À des moments irréguliers, un léger son de ruissellement d’eau se déploie sur l’ensemble de la façade, comme si celle-ci prenait subtilement vie le temps d’une pause. Etant intégrés aux verres des contrecœurs, les petits haut-parleurs mettent en mouvement l’ensemble de chaque panneau de verre, rendant ainsi un son très cristallin, s’apparentant à celui que l’on peut entendre la tête plongée sous l’eau. Le son est fin et discret, mais il porte loin. Ainsi, il est autant possible de s’en approcher afin d’en écouter un élément distinct, que de prendre du recul afin de sentir le mouvement sonore aléatoire prenant vie sur l’ensemble de la façade. Le bâtiment peut donc rester «habité» en permanence.
Patrick Chiché, architecte

Rudy Decelière
[...]  Où commence l’œuvre ? Par le fond, par la forme, par le son ou par l’image. Dans un univers où se positionnent des architectures phoniques en osmose avec la matière, un monde se construit et se déconstruit, changeant sans cesse sa représentation et son environnement. À ce point de touche, Rudy Decelière nous propose un regard subtil, sur des éléments fragiles, constitutifs du premier souffle, d’où va croître une création à peine dégagée de sa gangue.
Le son nous apporte des nouvelles d’un lointain paysage où la terre, en même temps qu’elle confine dans ses mystères à la masse aquatique, nous fait partager ses spasmes. L’artiste, pour un instant funambule, devient musicien et se risque au positionnement sonore sur des fils itinérants – la métaphore ainsi architecturée prend vie dès que l’oreille s’ouvre aux sons. [...]  

Note de l’éditeur, Jo Cecconi, issue de la publication
Espaces compris, Rudy Decelière aux éditions
La Baconnière Arts, 2014.