Comme les archives d'un geologue preoccupe par la nature des sols plutot que de leur occupation, les photographies d'Adrien Missika sont desertes, au mieux des traces ou des ruines y proposent quelques reliefs archeologiques d'une ancienne presence humaine.
La ou l'on attendrait un diagnostic, Adrien Missika pose methodiquement son regard sur les modulations symptomatiques de la Terre. Par les
cadrages du photographe, le paysage qu'il soit reel ou factice, est debite en signes separes comme autant d'elements constitutifs d'une syntaxe generale: talus, chemin, vallon, butte... Cette approche morphologique par fragmentation est sans doute necessaire avant d'atteindre une approche plus synthetique du monde. Adrien Missika s'empare et decline en les retravaillant tous les codes de representation auxquels la photographie peut recourir: le documentaire, l'artifice, le trompe-l'oeil... Son oeuvre se met en scene comme un vaste panorama de ces transcriptions du monde approchees de maniere distancee. L'artiste mele dans ses accrochages une multitude de topographies d'apparence analogue bien que toutes issues de sources tres eloignees. Prises de vue de paysages rencontres lors de deplacements a l'etranger, images produites par la NASA et recuperees sur Internet, photographies de maquettes de massifs montagneux operees dans des musees d'histoire naturelle, auxquelles s'ajoutent celles qu'il realise a partir de ses propres constructions, parfois en reference a un decor cinematographique. L'ensemble contribue a proposer une vision homogene, mais totalement illusoire, d'une entreprise monumentale qui serait de rendre compte d'une realite de notre planete. La disposition generale participe a la formation d'un archipel de representations vraisemblables, mais non realistes, qui se deploie sur le mur et porte insidieusement une reflexion critique a l'egard des perceptions du monde.
Adrien Missika fait ainsi de tous les territoires fictionnels aussi bien que reels, un terrain de contestation des systemes de representation du paysage. Jacques PY, Extraits du catalogue de l'exposition "On a marche sur la Terre!", Centre d'art de l'Yonne, ete 2009