‹Delphine Reist – Öl [oil, olio, huile]›, vue d’exposition Museum Tinguely, Basel, 2023. Photo : Bettina Matthiessen
Kunstbulletin: En ce début d'année, quelles sont tes questions pour l'art – pour l'art en général et pour le tien ?
Delphine Reist : Je ne pars pas de grandes questions. Je me lève plutôt le matin en me disant: qu’est-ce que ce grille-pain, cette machine à café a à me dire ? Comment il ou elle transporte une partie des idéologies de la société qui les a conçues ?
Kunstbulletin: Quels sont à tes yeux les grands défis pour l'art, ou plutôt pour ton art, dans les mois ou années à venir ?
Reist : L’art est une magnifique machine d’absorption, de réflexion et d’appropriation des techniques et questions environnantes. Pour le meilleur et pour le pire. Si le pire d’aujourd’hui peut être le meilleur de demain, l’inverse est tout aussi vrais. Les œuvres d’art sont à la fois des objets perméables à l’air du temps et des objets dont l’interprétation évolue. C’est ce qui en fait un objet si complexe, si intéressant.
Ces dernières années, plusieurs études suisses et étrangères ont révélé les conditions financières iniques des artistes dans le champ de l’art contemporain et, en Suisse, l’incapacité de ces artistes à accéder à une prévoyance professionnelle. Grâce à la mobilisation des associations de lutte pour les droits des artistes et l’appuis des pouvoirs publics, des outils de calculs ont été mis en place et aujourd’hui une grande partie des acteurs de l’art contemporain a pris conscience de ces déséquilibres économiques. Aujourd’hui il s’agit d’éprouver ces outils et mesurer s’ils permettent effectivement de sortir les artistes actifs des conditions financières dans lesquelles on les a maintenus jusqu’à présent.
Dans mon activité d’artiste, un des défis est de ne pas en faire trop, se demander à chaque étape si elle est nécessaire ou superflue, penser aux dépenses énergétiques, aux ré-usages des matériaux, à la nécessité des trajets et des transports. Apprendre à quantifier et agir en conséquence.
Kunstbulletin: L'art est un espace de résonance important. L'année dernière, y a-t-il eu des moments, des rencontres, des réactions où tu as perçu cela de manière particulièrement forte et où tu as puisé de l'énergie pour continuer ?
Reist : Des lieux que je fréquente, ceux dans lesquels je sens les réactions les plus aiguës sont les écoles d’art. Les questions posées sont cruciales et les positions sont souvent si intransigeantes et appelant à une si immédiate polarisation que la possibilité d’un échange entre les points de vue semble parfois malaisée. Quel rôle peut et/ou doit jouer l’art dans ce contexte ?
à Der Dialog war Teil einer Umfrage bei ausgewählten Schweizer Kunstschaffenden zur Stimmungslage Anfang 2024. Die Rückmeldungen aller beteiligten Künstler:innen sind in Auszügen im Kunstbulletin 1-2/2024 erschienen.
